dimanche 12 juin 2011

retour sur le lieu du...

Lundi 16 mai 2011
J 141 après Rome


Depuis mon retour de Rome le 3 janvier dernier, et après une période de flottement, j'ai repris mes habitudes de marcheur et j'essaie de me faire une petite marche par semaine, c'est bon pour mon physique et pour ma tête, car faut bien vous le dire, j'ai repris une petite activité professionnelle, la retraite ce n’est pas pour moi.
Donc aujourd'hui, je pars de la maison vers 8h, toujours à pied, j'aime bien l'idée de ne pas prendre la voiture.

Et en cherchant une destination, l'envie me prend de faire de cette journée de nouveau départ, une sorte de pèlerinage vers Surzur ; j'avais envie de repasser devant mon ancienne maison du Petit Plaisance et de son ancienne usine à béton. La maison est toujours habitée et en bon état, mais l'usine est fermée depuis longtemps et en délabrement.
Donc direction Surzur par le pont de Noyalo. Je dois vous parler d'une rencontre que j'ai faite vers le village de St Goustan où j'ai croisé un type en VTT ; je le reconnais tout de suite, car on faisait du vélo ensemble dans un club de cyclotourisme lorsque j'habitais Theix.
Tous les dimanches, le RDV se faisait à partir d'un bistrot tenu par... (oublié le nom). Et nous faisions un circuit de 50 à 100 km suivant notre forme. Il s'appelle Pierre Rossignol, et a fait carrière dans la banque ; il s'arrête et, célébrité oblige, il a lu des articles sur moi dans la presse. Nous passons un petit quart d'heure à évoquer nos vieux souvenirs communs.

À Noyalo, en approchant de l'église, une voiture ralentit à côté de moi ; le chauffeur descend la vitre et me demande si je suis bien le marcheur de Vannes à Rome. Et ben oui c'est moi ! modestement parlant, je suis quand même touché d'être reconnu par cet automobiliste que je ne connais pas. Il souhaite me parler et j'accepte bien volontiers. Il s'appelle Jean-Michel Bazin, habite Theix et est passionné par la marche, la course et les 2CV (j'en connais un à St Sévère qui serait bien intéressé).
Jean-Michel a parcouru de nombreux pays d'Afrique avec sa 2CV, qui, comme tous les passionnés de cette voiture extraordinaire, en possède plusieurs et est capable de les démonter et remonter entièrement.
Le visage de Jean-Michel pétille quand il parle de son projet de marcher vers Compostelle. Il est aussi emballé par mon périple et m'affirme qu'il m'a suivi jour après jour sur le blog avec beaucoup d'enthousiasme, et avait même l'impression en lisant mes textes qu'il voyageait avec moi.
Comme beaucoup de bloggers qui m'ont suivi, il me parle du plaisir qu'il avait à suivre mes aventures et j'en suis très flatté.

Il faut dire que depuis que je suis rentré, je suis passionné de lectures d'écrivains voyageurs, de grands aventuriers comme Sonia et Alexandre Jardin qui ont parcouru 14000 km à pied du Cap en Afrique du Sud jusqu'au lac de Tibériade en Israël. Un périple fabuleux de 3 ans, relaté en deux livres, Africa Treck 1 et 2 que j'ai lu passionnément.
Bien avant, j'avais lu l'histoire fabuleuse de Fanny Stevenson, épouse de Robert Louis Stevenson, une véritable aventurière.
En ce moment, je lis Hervé Bellec ; lui aussi me passionne et m'inspire pour mes écrits personnels.
Après « Les Sirènes du Transsibérien », je termine « Le beurre et l'argent du beurre », récit autobiographique sur la vie de sa grand-mère née à Kernascléden, près de Guémené, un régal ! Je perçois aussi l'évolution de l'écriture d'Hervé Bellec depuis « Garce d'étoile » qui raconte son périple vers St Jacques de Compostelle.
J'avoue que toutes ces lectures me donnent envie de raconter mes propres aventures, mais aussi la recherche de mon passé familial. Je n'ai pas le talent d'Hervé Bellec, mais je m'applique et ces nombreuses lectures m'aident beaucoup.

Mais revenons à la marche du jour. J'arrive à Surzur après avoir encore une fois admiré les magnifiques chevaux du centre équestre de Bilaire. Je ne me lasse pas d'observer cet animal qui me fascine.
Un petit café chez Marcel où je retrouve ma cousine Cathy, qui m'accompagne chez ma tante Thérèse. C'est le choc, car en vieillissant, elle ressemble de plus en plus à ma grand-mère Louise. J'avais espéré apprendre en discutant de souvenirs méconnus sur mes grands-parents, mais hélas elle a perdu sa vivacité d'esprit, la vieillesse a pris le pas.
Sa voix de petite fille me fait penser qu'elle a perdu une partie de ses facultés. La mémoire des anciens s'en va tôt ou tard et, si l'on veut connaître les histoires familiales, il ne faut pas attendre qu'ils disparaissent.
Je quitte ma tante en promettant de revenir plus souvent, et je réserve ma place au créabus pour 18h ; le créabus est financé par la communauté des communes et permet sur simple appel de se faire récupérer à des horaires précis pour rejoindre Vannes, et cela pour seulement 1,30 euro.
Il est 14h30 quand je quitte ma tante, et je rejoins la route d'Ambon où je repasse devant la maison de mon enfance ; j'en profite pour faire quelques photos et je m'aperçois que si la maison a été restaurée, elle a gardé son aspect et, surtout, existe toujours la fenêtre de ma chambre au dessus du petit appenti, par laquelle j'ai plusieurs fois pris la poudre d'escampette par une échelle appuyée contre le mur que j'avais pris soin d'installer. Lorsque ma mère m'empêchait de sortir, j'avais plus d'un tour dans mon sac !
Le jardin par contre n'a pas changé, toujours les mêmes arbres fruitiers, et les mêmes allées en dalles de pierre qui venaient de notre carrière d'Elven, ainsi que ses bordures en ciment, fabriqué dans l'usine à béton. Restent aussi les parterres de légumes et de fleurs, les rangs de pommes de terre. Seule a disparu la réserve de vers de terre que mon grand-père mettait dans un vieux fût à huile, avec de la terre. Ces vers, enfilés sur un fil, formaient un bouchon pour pêcher les anguilles sans hameçon.
La route d'Ambon à Surzur est un peu comme un chemin de vie pour moi, partant de la gare où les deux bistrots l'un en face de l'autre se faisaient concurrence afin d'attirer les jeunes que nous étions. À gauche, habitaient dans une grande maison, la cousine Eugénie et sa mère, cousine éloignée de mon grand-père, vieille fille, ancienne secrétaire de mairie, cultivée et prêteuse d'argent à faible taux, pour les jeunes qui démarraient dans la vie.
Un peu plus bas à droite donc, cette maison de famille avec son jardin et ses deux hangars qui abritait les camions de l'entreprise de mon père.
Encore plus bas à gauche, la maison et la ferme de Louis Egron, vétérinaire pour les nombreux animaux vivants à l'époque sur la commune de Surzur. Cette ferme est celle où j'allais cherché mon lait avec sa bonne crème (rien à voir avec le lait écrémé d'aujourd'hui acheté en supermarché !). Augustine me servait tous les soirs après la traite, et ma mère faisait bouillir le lait qui laissait apparaître une peau épaisse à la surface, dont je me délectais.
Toujours plus bas à gauche, le chantier de mon père où l'on fabriquait des parpaings
et où j'allais jouer, gamin. Dès l'âge de 14 ans, je conduisais un des premiers chargeurs élévateurs Manitou à la direction non assistée et allant à une vitesse de 2 km/heure maximum.
C'était mon occupation pendant les grandes vacances et j'étais très fier de conduire cet engin, mais beaucoup moins emballé quand il fallait lever (c'était le terme) les parpaings à la main pour les mettre sur des palettes.
Aujourd'hui, l'ancien chantier de mon père est devenu un ensemble de logements sociaux (voir photos), qui l'aurait cru !
Il faut dire qu'à 18 ans, quand j'ai quitté Surzur, la commune comptait 1400 âmes. Aujourd'hui elle en compte 3800, alors il faut bien des solutions pour loger toutes ces personnes. L'église du XIXe est toujours là et ne s'est pas agrandie non plus. Les âmes des paroissiens de l'époque ont fait place aux « mécréants » d'aujourd'hui, la plupart étant au cimetière.

Le cimetière aussi a été déplacé. À mon époque, il était derrière la boulangerie Pichon, et avec mon cousin Jean-Yves on s'amusait le soir à regarder les feux follets et à franchir son mur, pour se faire peur la nuit.
Cette boulangerie, que mon pépère Hyacinthe avait créée avec mémère Louise (chez nous, on ne disait pas mémé et pépé mais mémère et pépère), j'y suis né et y ai vécu jusqu'à l'âge d’un an et 1/2. J'en garde un goût certain pour le parfum que dégage la pâte à pain avant la cuisson et surtout lors de la cuisson, au feu de bois à l'époque. La mémoire olfactive agit encore quand je me remémore les villages alentours et l'odeur de fumée de leurs cheminées.

Il me reste trois heures avant de prendre le bus. J'ai le temps d'aller jusqu'aux marais d'Ambon et d'y faire quelques photos. Je croise sur le chemin après Pimbuzo, des ouvriers qui installent une surélévation en bois afin de permettre aux randonneurs comme moi de passer quand les chemins sont inondés.
J'arrive aux marais après le village de Trely, où habitait la famille Le Vaillant. C'est étonnant dans mes souvenirs d'enfants, quand on parlait des familles de paysans à Surzur, comme chaque nom de famille était attaché au nom du village, un peu comme une marque de produit publicitaire. Ces noms résonnent encore dans ma mémoire : Nicol de Brarun, Mahé de Lamblat, Vaillant de Trely, Paul de Blavasson...  Il existait à l'époque de nombreuses familles de cultivateurs, mais aussi de vrais nobles avec châteaux ou manoirs genre Garaby de Pierpont, Marquis De Virelle au Grégo ou De Langlais. Tous ces aristocrates et ses paysans se retrouvaient le dimanche à l'église pour la grand-messe. Chacun avait sa place, surtout les aristos qui avaient leurs chaises réservées avec leur nom dessus comme le Porsalut !
Leurs places étaient à l'avant bien sûr, et les paysans derrière ; mon père m'a souvent fait part de son indignation sur ce favoritisme d'un autre âge. D'ailleurs les paysans tiraient encore leur chapeau ou leur casquette devant ces messieurs.

J'arrive à présent devant les rives des marais où la marée monte. C'est là que le poisson se faisait prendre ; au loin le moulin à vent de Billion et au second plan, les nouveaux moulins à vents ou à courant d'air, ou plutôt courant électrique qui a remplacé le grain à moudre.
J'avoue que je ne suis pas choqué comme certains, je leur trouve même une sorte de charme majestueux. Ceux qui veulent jouer aux Don Quichotte d'aujourd'hui et s'attaquer à leurs implantations, auront fort à faire, vu la peur du nucléaire.
Je découvre aussi un étang magnifique où glissent deux superbes cygnes.
Bon, il est temps que je fasse demi-tour pour attraper mon bus. À bientôt pour la prochaine marche, en attendant surtout ne lâchez rien...


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