mardi 8 décembre 2015

Vannes-Rome continue son chemin : 

Bonjour à tous les copains, amis bloggers,
À ceux qui étaient là le jour de mon départ pour Rome, le 7 septembre 2010 au bar ‘’l’Amphibar’’,
À tous ceux qui m’ont suivi de près ou de loin, sur le blog, ou sur le chemin pendant ces 112 jours de marche, ceux aussi qui étaient là pour tous les évènements importants du parcours, les 1000, les 2000, le passage en Italie, et aussi et surtout pour mes 60 ans organisés par Laurence au loft, le 16 décembre 2010. Vous êtes aussi venus nombreux pour la sortie du film en 2012.
Alors vous serez au rendez-vous j’espère pour la sortie du livre : 

CHEMIN DE TRAVERSE  
mercredi 16 décembre à partir de 18H
toujours à l’Amphibar 

Où j’aurai le plaisir de vous faire une dédicace, et puis si vous n’êtes pas dispo ce jour-là, il y aura d’autres dates, alors merci d’avance.

dimanche 8 janvier 2012

Ma nuit sous les pins à St Jacut


Les 4 et 5 janvier 2012


Ce soir, à 2km de la fin de mon Etape prévue à St. Jacut les pins
J’ai jeté mon dévolu dans un bois, où j’ai monté ma tente et installé mon bivouac ; encore une expérience nouvelle un 4 janvier.


ma tente dans les bois la nuit


mon couchage
mon sac prêt pour le départ a 5H



Le vent me berce. Après un dîner aux chandelles raté, pas le dîner de raté, mais le feu qui était censé me réchauffer le corps et l’âme, mais bon ca va je me suis installé : un petit lit douillet sur un matelas auto-gonflable avec duvet incorporé, encore une idée de Décathlon.
Je suis bien au chaud, mais quand même, dehors ça souffle dur.
Ce matin parti a 9h30 de Questembert j’ai refait connaissance avec les chemins. Quelle sensation de bonheur de reprendre le contact avec la boue. Bizarre comme le sol boueux me procure comme une jouissance. Mes chaussures s’envasent et dérapent un peu, mais avec toute la pluie qui est tombée ce n’est pas étonnant.

Il fait beau, chance inouïe, le soleil est au rendez vous.
Le chemin est jalonné de magnifiques calvaires et croix ; témoignages vivants de la Foi des bretons des siècles passés .



Chapelle St Julien
le retable dans la chapelle

je ne passe pas inaperçu

Il est 18h, mon bivouac est bien installé. Je me suis fait des pâtes avec mon camping gaz, pâtes améliorées de rôti de porc cuit et d’un morceau de camembert. Je m'installe dans la tente, je vais lire un peu. Mais j’entends le vent qui commence vraiment à souffler très fort.

J’ai l'impression de vivre une nuit à la belle étoile du roman de Stevenson « Voyage dans les Cévennes avec un âne à Fouzillac ». Ce soir, bien qu’étant au mois de septembre, le vent s’était levé et les bruits de la nuit inquiétait Stevenson.  C’est vrai la nuit sous une toile de tente vous vous sentez vulnérable. Le moindre bruit devient suspect, et la notion de loin ou proche est étrangère. Un chien aboie au loin et bientôt on l’imagine proche de vous, peut être que le maître du chien est là aussi, l’imagination va bon train .


Mais qui sortirait par un temps pareil à par moi ?

Le vent forci, on est proche de la tempête. Heureusement j’ai choisi un endroit dans une petite clairière entourée d'arbres, à l’abri du vent.
J’ai du mal a lire. L’éclairage de ma lampe frontale faibli. Heureusement j’ai une lampe de secours et celle-ci n’a pas de problème de piles. Elle est alimentée par une dynamo avec une manivelle. C’est génial (cadeau de Laurence).

Mais au fait, les arbres ça peut tomber, se casser ?!
Inquiétude ; de toute façon il n’est que 19h30 et ce n’est pas vraiment l’heure de dormir, alors je sors voir ce qui se passe autour de la tente.
Je regarde les arbres autour un peu comme un charpentier qui vérifie si sa charpente va résister à la tempête.
Et là, j’ai l impression que les arbres me parlent, ils courbent l’échine. Ils me disent ne t’inquiète pas, on veille au grain, et puis même notre cime se courbe, on résiste bien, on est encore trop jeune pour mourir. Si l’un d'entre nous cède, on te préviendra .

J’ai compris le message, un craquement, un bruit de rupture, m’avertira du danger ; le temps pour moi de sortir vite.
En fait je suis sorti plusieurs fois dans la nuit , et chaque je me recouchais rassuré. Les arbres n’étaient plus un danger mais une protection.
Entre 9h et 4h du mat la tempête faisait toujours rage, mon sommeil suivait en alternance.
J’ai peut être dormi, je ne sais, en tout cas à 4h30 je considère que je ne pourrai plus dormir. Je décide donc de lever le camp(cette expression populaire prends ici tout son sens).
Mais avant, petit déj., aucune circonstance ne me feront râter ce moment privilégié de ma journée.
Petit anecdote, quand j’étais à l’armée en Alsace, j’étais chauffeur de camion et pendant les manœuvres, je dormais dans mon camion. J’avais toujours le matin de quoi me faire un petit déj. copieux et traditionnel avec du bon beurre breton que m’envoyait ma mère.
Donc là, dans ma tente j'ai pris mon Câfé-au-lait-et-ma-tartine-beurrée, avant de commencer à faire mon sac et replier la tente.
Faut dire qu’en pleine nuit, à la lampe c’est pas triste.
Trente minutes plus tard je suis prêt. Il est 5h, je vais reprendre la route un peu plus bas. Dans la nuit, c’est possible de repérer les traces du chemin.
Le vent souffle toujours. Il faut se repérer. Saint Jacut les Pins est a 2 ou 3 km. Miracle mon iPhone  est encore alimenté et mon GPS m’indique que je ne suis pas loin.
Merci Steve Jobs, les initiés d' Apple comprendront.
Mais il me faudra quand même 1h 30 pour rejoindre St. Jacut.
marche de nuit prudence!

A cette heure, pas d'éclairage public.
Heureusement ma lampe dynamo me permet de repérer les toilettes publics. Je vais pouvoir faire un brin de toilette, car je n avais plus d'eau. On a beau être homme des bois on a pas moins sa dignité.

Personne ne peut voir l'étalage de mes affaires de toilette. Torse nu, 15mn plus tard je me sens mieux.
Je vais reprendre mon chemin vers Malestroit par la route. Il est 6h45, le bourg se réveille. Les véhicules aussi, attention prudence.
J’ai l’air d'un clown ; feu rouge frontal a l’arrière, lampe devant. 
Je marche à gauche de la route.
Je suis a 7 km de Peillac. Ma signalétique fonctionne bien, je suis bien vu. Chaque véhicule que je croise me voit, ça me rassure.
Pause à Peillac ; dans le premier bar ouvert. Le sac me pèse. Ma nuit n'a pas été d'un super repos. Mes jambes me le font sentir.
Avec la fatigue et la mauvaise récupération, j’opte pour Rochefort en Terre à la place de Malestroit. J’ai un bus à 15h30 pour revenir sur Questembert récupérer ma voiture.
Rien à Malestroit, que de la route aujourd’hui, peu d'interêt par rapport à hier. Le temps est chargé et pluvieux.
J’arrive bien éreinté a Rochefort.
Belle expérience quand même. J’imagine mieux ce que peuvent endurer les SDF qui vivent celà toute l’Année .
Et à propos, j’offre tous mes vœux a tous les bloggers pour cette nouvelle Annee 2012.
Et j’ai le plaisir de vous annoncer la sortie prochaine du film de mon périple Vannes Rome, une petite fête est prévue a cette occasion.

Et surtout ne lâchez rien !!!!!


dimanche 12 juin 2011

l'Etna, le géant de Sicile


Quand on est sur le point d'atterrir à Catane , on ne peut pas rater tout au fond, cette grande montagne en direction de Messine. Avec sa cheminée d'où sort une fumée blanche, mais ce n'est pas pour annoncer l'élection d'un nouveau pape, car à plusieurs reprises depuis 1662, cette cheminée s'est mise à fumer noir, et à cracher du feu tel un dragon, présage d'une sortie imminente des profondeurs de la terre, non ce n'est pas le diable (diavona en italien) c'est pire, la roche en fusion qui sort en lave dévastant tout sur son passage.

"Si les coulées s'épanchent sur un autre flanc du massif, elles ne peuvent être contenues par le Valle del Bove. Ainsi, en 1669, la ville de Catane, située en bord de mer à une quinzaine de kilomètres de l'Etna, est en partie détruite par une coulée de lave. L'éruption débute par une explosion dispersant des nuages de cendres à cent kilomètres à la ronde. Elle durera 122 jours et rejettera un kilomètre cube de lave. (ce texte je l'ai copié sur un site de l’Etna - Italie)"

Depuis les éruptions ce sont succédées, à une dizaine par siècles libérant plus d'un million de mètres cubes de laves, la dernière datant de 1987.

Nous sommes le dernier jour de nos vacances à Syracuse et j'ai décidé d'aller voir ce monstre de plus près.



Ce jeudi 9 juin, je pars seul, car Laurence n'est pas très en forme.
La veille, j'ai recherché dans une librairie à Syracuse un guide sur l'Etna, pour voir si je peux le monter à pied.
Je n'ai trouvé qu'un guide en italien avec un plan, pas clair du tout, alors j'y vais  et on verra sur place.
Il me faut environ 1H en voiture par l'autoroute pour rejoindre la sortie qui va me diriger vers cette grande montagne fumante.

Dès la sortie de Syracuse, cette masse imposante apparait, et au fur et à mesure de son approche, elle est de plus en plus nette et imposante. Des nuages blancs entourent le sommet du volcan comme une couronne blanche, c'est la fumée qui sort lentement, comme un feu qui couve et c'est peu dire qu'en dessous si on remet du bois, ça va péter.



Il Diavola sommeille, attention à son réveil un de ces jours.
Ce n’est sans doute pas un hasard si dans toutes les pizzerias en Italie, une pizza s'appelle "Diavola", et la garniture est simplement faite de tomate mozzarelle et de "salame picante" rondelle rouge comme les flammes du volcan, et si on en mange trop le volcan en feu est dans votre estomac et il va vous bruler comme les flammes de l'enfer. Je ne vous cacherai pas que lors de ma marche de Vannes Rome je suis devenu un fan de la "Diavola" .

Alors ce volcan me fascine et quand j'approche de la route vers l'Etna sud qui monte pendant 19 km et je m'arrête à chaque instant pour faire des photos 
des coulées de lave, chaque coulée correspond à une éruption plus ou moins ancienne, ici et là on voit des maisons détruites par la lave et pourtant on n’arrête pas de voir de nouvelles constructions, surtout des hôtels, pour être hébergé, il y a ce qu'il faut.




Toujours en arrière-plan le volcan et sa cheminée, il fait très beau aujourd'hui j'ai beaucoup de chances, je sens que mes photos vont être magnifiques.
Je ne sais pas très bien jusqu'où je vais en voiture sauf que je vois sur les panneaux, le dessin du téléférique, qui doit emmener beaucoup plus haut que la station qui est à 1800m alors que l'Etna culmine à 3323 m.



Un peu d'appréhension quand même de prendre ces télécabines et en plus le prix 
de la montée très prohibitif, avec deux niveaux possible, car à l'arrivée du téléférique, la suite se fait par des bus 4/4, très impressionnante.
Je vais regretter beaucoup après coup de ne pas être monté à pied, je n’ai pas osé sans plan et sans indications du chemin (en effet je n'ai vu aucune signalétique). 
Dès le démarrage de la cabine, la vue est sans équivoque et promet un beau spectacle, j'en oublie ma peur et je mitraille de photos et de films.



la montée en télécabines


Les coulées de lave et les montagnes de poussières de volcan qui se sont déposées  depuis les dernières éruptions ont taillé la route en serpentin dans les coulées.
Ce qui fait que cela monte en pente douce, je vois des randonneurs, je les envie.




Le volcan fume toujours, quelle santé, car cela fait quelques milliers d'années et les bords du cratère sont rouge comme du bois incandescent, mais là c'est la roche en fusion, qui attend patiemment un petit coup de pouce d'en bas, des profondeurs, pour dévaler la pente.

Je fais mon touriste de base et je vais continuer en prenant le bus 4/4.
Pas de regret, c'était à faire, les chauffeurs sont plutôt genre pilote de Formule 1 car ça carbure sec et le spectacle est hallucinant, par la poussière dégagée au passage de ces monstres à six roues. On croise des randonneurs qui descendent et qui en prennent plein la figure au passage.
Mes photos parlent d'elle même, pour raconter ce spectacle et ce paysage un peu lunaire, à l'arrivée du bus et la dernière plate forme de sécurité, qui fixe la limite que l'on ne peut franchir.








Des vulcanologues sont là plus bas à observer et prendre des mesures avec des appareils sophistiqués.
Il fait quand même frisquet à 2900m, mais c'est supportable avec la veste que l'on peut louer pour deux euros seulement. Je reprends ma manie de me faire prendre en photos avec le retardateur.







Et après un rapide sandwich au prosciutto, je me renseigne auprès d'Italiens randonneurs sur le temps pour descendre.
45 mn pour rejoindre l'arrivée de la télécabine, banco c'est parti, le spectacle en vaut la peine, je prends à mon tour la poussière en pleine figure, dégagée au croisement des bus. Heureusement j'avais quand même prévu mes chaussures de marche.
Je meurs d'envie de m'écarter un peu du chemin balisé pour aller voir un cratère éteint, je mitraille, le ciel est bleu, mais j'ai l'impression de faire du noir et blanc, tellement les montagnes de suie avec leur dégradé de noir au gris ressemblent étrangement au terril des mines du Nord de la France.

Parents et leurs bébés
Je vois des randonneurs un peu partout qui descendent avec des enfants très jeunes portés par leurs parents. Je trouve ça assez fabuleux, des trucs à raconter à leurs propres enfants, auprès d'une cheminée pendant les longues soirées d'hiver. Genre : tu te rends compte.. à deux ans porté par mon père, j'ai descendu les pentes de l'Etna.










13H, j'entame la descente et le je vois des gens sur les flancs de montagne, l'envie me prends d'aller les rejoindre, allez j'en grimpe une petite, car je suis sorti du chemin route balisé.
Le temps se couvre, je me retourne régulièrement pour voir si l'Etna est toujours à la même place, il disparait dans les nuages, quelques gouttes de pluie me signalent que le temps change, en tout cas à cette altitude, car au moins beaucoup plus bas on voit que le bord de mer entre Taormine et Catane, le temps est plus dégagé.
J'arrive au pied de l'arrivée de la station du téléférique et ma grande question est, parce que j'ai bien envie de continuer a pied jusqu’en bas, est-ce que je vais arriver au bon endroit ?





J'essaie de suivre le tracé du téléférique et bien que je m'en éloigne au début je vois bien que le chemin s'en rapproche. Une pelleteuse et un bulldozer ont tracés une pente qui ressemble beaucoup à une piste de ski, mais c'est vrai il y des remonte-pentes, pour la saison d'hiver, génial je la prends, ça descend plus vite et mes chaussures se remplissent de cailloux et de poussières de volcans. J'imagine en hiver les skieurs qui vont prendre ses pentes enneigées, à vive allure, et arriver au bas de la station, en attendant, moi, j'en prends plein les godasses, pas de neige, mais des cailloux.






la descente raide et rapide






J'arrive sous les cabines et je me rapproche rapidement de la station ou est garée ma voiture. Mes jambes et mes mollets en on pris un bon coup, mais je suis sain et sauf et heureux d'avoir descendu les pentes du volcan en 2H30.





À mes amis bloggers quelle journée superbe, je vous fait court pour l'arrivée à Syracuse ou j'ai tant de choses à raconter à Laurence.



J'espère que mes fidèles bloggers apprécieront mon récit et je ne peux que les encourager à ne rien lâcher, car l'aventure ne fait que commencer.
En attendant demain de reprendre l'avion pour Nantes, surtout ne lâchez rien!!!!

Jeanno



Vincent, Laurence et leur filles


"Jour de fête"

Je viens de trouver cette photo qu'ils m'avaient envoyé pour le pot des 1000 bornes.


Désolée pour le retard ! L'erreur est réparée
(je n'avais jamais pensé à regarder si je recevais des mails sur gmail.com...)
Laurence

retour sur le lieu du...

Lundi 16 mai 2011
J 141 après Rome


Depuis mon retour de Rome le 3 janvier dernier, et après une période de flottement, j'ai repris mes habitudes de marcheur et j'essaie de me faire une petite marche par semaine, c'est bon pour mon physique et pour ma tête, car faut bien vous le dire, j'ai repris une petite activité professionnelle, la retraite ce n’est pas pour moi.
Donc aujourd'hui, je pars de la maison vers 8h, toujours à pied, j'aime bien l'idée de ne pas prendre la voiture.

Et en cherchant une destination, l'envie me prend de faire de cette journée de nouveau départ, une sorte de pèlerinage vers Surzur ; j'avais envie de repasser devant mon ancienne maison du Petit Plaisance et de son ancienne usine à béton. La maison est toujours habitée et en bon état, mais l'usine est fermée depuis longtemps et en délabrement.
Donc direction Surzur par le pont de Noyalo. Je dois vous parler d'une rencontre que j'ai faite vers le village de St Goustan où j'ai croisé un type en VTT ; je le reconnais tout de suite, car on faisait du vélo ensemble dans un club de cyclotourisme lorsque j'habitais Theix.
Tous les dimanches, le RDV se faisait à partir d'un bistrot tenu par... (oublié le nom). Et nous faisions un circuit de 50 à 100 km suivant notre forme. Il s'appelle Pierre Rossignol, et a fait carrière dans la banque ; il s'arrête et, célébrité oblige, il a lu des articles sur moi dans la presse. Nous passons un petit quart d'heure à évoquer nos vieux souvenirs communs.

À Noyalo, en approchant de l'église, une voiture ralentit à côté de moi ; le chauffeur descend la vitre et me demande si je suis bien le marcheur de Vannes à Rome. Et ben oui c'est moi ! modestement parlant, je suis quand même touché d'être reconnu par cet automobiliste que je ne connais pas. Il souhaite me parler et j'accepte bien volontiers. Il s'appelle Jean-Michel Bazin, habite Theix et est passionné par la marche, la course et les 2CV (j'en connais un à St Sévère qui serait bien intéressé).
Jean-Michel a parcouru de nombreux pays d'Afrique avec sa 2CV, qui, comme tous les passionnés de cette voiture extraordinaire, en possède plusieurs et est capable de les démonter et remonter entièrement.
Le visage de Jean-Michel pétille quand il parle de son projet de marcher vers Compostelle. Il est aussi emballé par mon périple et m'affirme qu'il m'a suivi jour après jour sur le blog avec beaucoup d'enthousiasme, et avait même l'impression en lisant mes textes qu'il voyageait avec moi.
Comme beaucoup de bloggers qui m'ont suivi, il me parle du plaisir qu'il avait à suivre mes aventures et j'en suis très flatté.

Il faut dire que depuis que je suis rentré, je suis passionné de lectures d'écrivains voyageurs, de grands aventuriers comme Sonia et Alexandre Jardin qui ont parcouru 14000 km à pied du Cap en Afrique du Sud jusqu'au lac de Tibériade en Israël. Un périple fabuleux de 3 ans, relaté en deux livres, Africa Treck 1 et 2 que j'ai lu passionnément.
Bien avant, j'avais lu l'histoire fabuleuse de Fanny Stevenson, épouse de Robert Louis Stevenson, une véritable aventurière.
En ce moment, je lis Hervé Bellec ; lui aussi me passionne et m'inspire pour mes écrits personnels.
Après « Les Sirènes du Transsibérien », je termine « Le beurre et l'argent du beurre », récit autobiographique sur la vie de sa grand-mère née à Kernascléden, près de Guémené, un régal ! Je perçois aussi l'évolution de l'écriture d'Hervé Bellec depuis « Garce d'étoile » qui raconte son périple vers St Jacques de Compostelle.
J'avoue que toutes ces lectures me donnent envie de raconter mes propres aventures, mais aussi la recherche de mon passé familial. Je n'ai pas le talent d'Hervé Bellec, mais je m'applique et ces nombreuses lectures m'aident beaucoup.

Mais revenons à la marche du jour. J'arrive à Surzur après avoir encore une fois admiré les magnifiques chevaux du centre équestre de Bilaire. Je ne me lasse pas d'observer cet animal qui me fascine.
Un petit café chez Marcel où je retrouve ma cousine Cathy, qui m'accompagne chez ma tante Thérèse. C'est le choc, car en vieillissant, elle ressemble de plus en plus à ma grand-mère Louise. J'avais espéré apprendre en discutant de souvenirs méconnus sur mes grands-parents, mais hélas elle a perdu sa vivacité d'esprit, la vieillesse a pris le pas.
Sa voix de petite fille me fait penser qu'elle a perdu une partie de ses facultés. La mémoire des anciens s'en va tôt ou tard et, si l'on veut connaître les histoires familiales, il ne faut pas attendre qu'ils disparaissent.
Je quitte ma tante en promettant de revenir plus souvent, et je réserve ma place au créabus pour 18h ; le créabus est financé par la communauté des communes et permet sur simple appel de se faire récupérer à des horaires précis pour rejoindre Vannes, et cela pour seulement 1,30 euro.
Il est 14h30 quand je quitte ma tante, et je rejoins la route d'Ambon où je repasse devant la maison de mon enfance ; j'en profite pour faire quelques photos et je m'aperçois que si la maison a été restaurée, elle a gardé son aspect et, surtout, existe toujours la fenêtre de ma chambre au dessus du petit appenti, par laquelle j'ai plusieurs fois pris la poudre d'escampette par une échelle appuyée contre le mur que j'avais pris soin d'installer. Lorsque ma mère m'empêchait de sortir, j'avais plus d'un tour dans mon sac !
Le jardin par contre n'a pas changé, toujours les mêmes arbres fruitiers, et les mêmes allées en dalles de pierre qui venaient de notre carrière d'Elven, ainsi que ses bordures en ciment, fabriqué dans l'usine à béton. Restent aussi les parterres de légumes et de fleurs, les rangs de pommes de terre. Seule a disparu la réserve de vers de terre que mon grand-père mettait dans un vieux fût à huile, avec de la terre. Ces vers, enfilés sur un fil, formaient un bouchon pour pêcher les anguilles sans hameçon.
La route d'Ambon à Surzur est un peu comme un chemin de vie pour moi, partant de la gare où les deux bistrots l'un en face de l'autre se faisaient concurrence afin d'attirer les jeunes que nous étions. À gauche, habitaient dans une grande maison, la cousine Eugénie et sa mère, cousine éloignée de mon grand-père, vieille fille, ancienne secrétaire de mairie, cultivée et prêteuse d'argent à faible taux, pour les jeunes qui démarraient dans la vie.
Un peu plus bas à droite donc, cette maison de famille avec son jardin et ses deux hangars qui abritait les camions de l'entreprise de mon père.
Encore plus bas à gauche, la maison et la ferme de Louis Egron, vétérinaire pour les nombreux animaux vivants à l'époque sur la commune de Surzur. Cette ferme est celle où j'allais cherché mon lait avec sa bonne crème (rien à voir avec le lait écrémé d'aujourd'hui acheté en supermarché !). Augustine me servait tous les soirs après la traite, et ma mère faisait bouillir le lait qui laissait apparaître une peau épaisse à la surface, dont je me délectais.
Toujours plus bas à gauche, le chantier de mon père où l'on fabriquait des parpaings
et où j'allais jouer, gamin. Dès l'âge de 14 ans, je conduisais un des premiers chargeurs élévateurs Manitou à la direction non assistée et allant à une vitesse de 2 km/heure maximum.
C'était mon occupation pendant les grandes vacances et j'étais très fier de conduire cet engin, mais beaucoup moins emballé quand il fallait lever (c'était le terme) les parpaings à la main pour les mettre sur des palettes.
Aujourd'hui, l'ancien chantier de mon père est devenu un ensemble de logements sociaux (voir photos), qui l'aurait cru !
Il faut dire qu'à 18 ans, quand j'ai quitté Surzur, la commune comptait 1400 âmes. Aujourd'hui elle en compte 3800, alors il faut bien des solutions pour loger toutes ces personnes. L'église du XIXe est toujours là et ne s'est pas agrandie non plus. Les âmes des paroissiens de l'époque ont fait place aux « mécréants » d'aujourd'hui, la plupart étant au cimetière.

Le cimetière aussi a été déplacé. À mon époque, il était derrière la boulangerie Pichon, et avec mon cousin Jean-Yves on s'amusait le soir à regarder les feux follets et à franchir son mur, pour se faire peur la nuit.
Cette boulangerie, que mon pépère Hyacinthe avait créée avec mémère Louise (chez nous, on ne disait pas mémé et pépé mais mémère et pépère), j'y suis né et y ai vécu jusqu'à l'âge d’un an et 1/2. J'en garde un goût certain pour le parfum que dégage la pâte à pain avant la cuisson et surtout lors de la cuisson, au feu de bois à l'époque. La mémoire olfactive agit encore quand je me remémore les villages alentours et l'odeur de fumée de leurs cheminées.

Il me reste trois heures avant de prendre le bus. J'ai le temps d'aller jusqu'aux marais d'Ambon et d'y faire quelques photos. Je croise sur le chemin après Pimbuzo, des ouvriers qui installent une surélévation en bois afin de permettre aux randonneurs comme moi de passer quand les chemins sont inondés.
J'arrive aux marais après le village de Trely, où habitait la famille Le Vaillant. C'est étonnant dans mes souvenirs d'enfants, quand on parlait des familles de paysans à Surzur, comme chaque nom de famille était attaché au nom du village, un peu comme une marque de produit publicitaire. Ces noms résonnent encore dans ma mémoire : Nicol de Brarun, Mahé de Lamblat, Vaillant de Trely, Paul de Blavasson...  Il existait à l'époque de nombreuses familles de cultivateurs, mais aussi de vrais nobles avec châteaux ou manoirs genre Garaby de Pierpont, Marquis De Virelle au Grégo ou De Langlais. Tous ces aristocrates et ses paysans se retrouvaient le dimanche à l'église pour la grand-messe. Chacun avait sa place, surtout les aristos qui avaient leurs chaises réservées avec leur nom dessus comme le Porsalut !
Leurs places étaient à l'avant bien sûr, et les paysans derrière ; mon père m'a souvent fait part de son indignation sur ce favoritisme d'un autre âge. D'ailleurs les paysans tiraient encore leur chapeau ou leur casquette devant ces messieurs.

J'arrive à présent devant les rives des marais où la marée monte. C'est là que le poisson se faisait prendre ; au loin le moulin à vent de Billion et au second plan, les nouveaux moulins à vents ou à courant d'air, ou plutôt courant électrique qui a remplacé le grain à moudre.
J'avoue que je ne suis pas choqué comme certains, je leur trouve même une sorte de charme majestueux. Ceux qui veulent jouer aux Don Quichotte d'aujourd'hui et s'attaquer à leurs implantations, auront fort à faire, vu la peur du nucléaire.
Je découvre aussi un étang magnifique où glissent deux superbes cygnes.
Bon, il est temps que je fasse demi-tour pour attraper mon bus. À bientôt pour la prochaine marche, en attendant surtout ne lâchez rien...


dimanche 29 mai 2011

Le retour

  vers... le JOUR 1 :



En empruntant la route du verger qui part du haut de la Garenne, pour rejoindre la route de Nantes, à pied bien sûr, j'ai pensé aller me faire couper les tifs chez ma sœur à Tohannic. Il fait beau ce jour-là, avec un peu de fraîcheur de mars, les oiseaux s'égosillent et font même un sacré bruit d'enfer ; je marche d'un pied ferme, car depuis quelque temps l'envie de marcher m'a reprise et je ne rate pas l'occasion de laisser ma voiture au parking.
Nous sommes le mercredi 23 mars 2011 et sur cette même route, le mardi 7 septembre 2010, je prenais la route pour Rome à pied, parti de la place de la Libération chez Martial à l'Amphibar, où tous les copains étaient venus pour mon départ. Cette nuit-là, le sommeil n'était pas au rendez-vous ; normal, l'angoisse du départ et l'aventure dans laquelle je m'étais engagée sans trop réfléchir, une envie comme çà qui avait surgi dans mes pensées, un projet de voyage à pied, et pourquoi pas pour Rome, me perturbait.
Dans quel pétrin je m'étais mis ! Car dès que l'idée apparut, elle m'envahit littéralement et je savais déjà qu'elle ne me quitterait plus, tant que je n'aurai pas décidé soit de l'abandonner, soit de la mener à son terme.
Je devais être déjà comme ça à 8 ans lorsque j'ai décidé de partir de Surzur  à pied pour Berric, à 14 km de chez mes cousines Michelle, Danièle et Marie-Laure. Ce jour d'été 1958, Jacqueline ma petite soeur, se faisait enlever les amygdales, et mes parents fort occupés, m'accordaient peu de temps.
Sentiment d'abandon peut-être ! Qu'est-ce qui peut pousser un gamin de 8 ans à partir à pied pour un périple de 14 km ? Je me souviens que j'avais un parcours précis en tête, car cette route, je l'avais empruntée bien des fois avec mes parents en voiture. Il faut dire qu'à cette époque nous fréquentions beaucoup la famille Crolas ; j'adorais mes cousines et me sentais bien chez eux. Ma mère Raymonde et ma tante Geneviève étaient très proches, donc on se voyait souvent. La route, je l'avais dans la tête, mais aussi dans les jambes, puisque mon corps a bien tenu le coup et je ne me suis même pas égaré. Aujourd'hui encore, j'ai toujours ce chemin bien présent à l'esprit, et de plus avec l'aide des cartes IGN, je devrais y arriver sans problème, c'est ce que j'ai ressassé une bonne partie de la nuit.
Revenons donc à mon départ pour Rome. A 5h du mat, debout, vérification du sac à dos et de ma liste, bien trop longue d'où trop de poids, et pourtant la veille j'avais tout pesé. Ce sac que je remplissais, j'allais devoir le faire tous les matins pendant 111 jours, mais çà je ne le savais pas encore.
Ma tenue de départ se composait d'un pantacourt et de chaussures achetées la veille, car mon premier choix n'était pas bon, ayant eu un doute sur le poids.
J'avais proposé par mail à tous mes copains d'être chez Martial à 8h, pour un café-croissant bien français. Je quittais la maison à 7h15 avec tout mon bardas et aussi un peu de flotte dans les yeux qui traduisait une émotion pas contrôlée du tout. Il faisait encore nuit et en traversant le couloir et le parking, je ressentais un sentiment étrange de quitter ma maison avec mon sac sur le dos, de tirer la porte derrière moi, sans faire trop de bruit afin de ne pas réveiller Laurence (qui pourtant devait être chez Martial à 8h30 !).    
Le grincement familier de la porte ce jour-là ne ressemblait pas à celui entendu habituellement ; il avait un son particulier, celui d'un au revoir ou d'une sorte de "surtout n'oublie pas où tu habites". Peu importe le temps d'absence, faut pas oublier le chemin du retour. Aussitôt la porte fermée, ce fut mes premiers pas vers Rome, ville mythique pour moi, premiers pas qui empruntèrent la rue de Bernus puis la rue Pasteur. Ses pas ne résonnaient pas comme d'habitude, car c'était la première fois que je partais à pied aussi loin.
Malgré le poids du sac, j'avais le pas léger en prenant la rue Jeanne d'Arc et où à 50 m à gauche un peu plus loin, se trouve le boulanger où j'achetais les croissants pour le café du départ et ma baguette pour mon premier pique-nique. A la jeune et jolie boulangère que je ne connaissais pas, je ne pus m'empêcher de dire le but de mon voyage et surtout par quel moyen je l'entreprenais. Un sourire au coin des lèvres et une expression sur son visage ne me trompèrent pas : "encore un dingue..." devait-elle penser.
Ces étonnements, je devais les rencontrer tout au long de mon périple, tellement ce projet parait insensé à beaucoup.
En passant devant le n°14 de la rue Jeanne d'Arc, une pensée émue pour les bureaux au premier étage qui ont été mon lieu de travail durant la période folle de Crep'npizz ; c'était là le siège de l'entreprise.
J'arrive en avance chez Martial et il n'est pas encore là. Il faut dire que Martial doit ouvrir sa porte un peu plus tôt que d'habitude, car c'est un jour exceptionnel pour lui aussi.
Déjà mes cousines Marie-Laure et Michelle sont au rendez-vous, comme elles le furent en cet été 58 à mon arrivée à Berric. Il y a aussi Alain, le nouvel ami de Marie-Laure, que je connais peu. Avec Michelle, on a fait ensemble beaucoup de conneries, surtout à Surzur quand Michelle était en pension chez nous puisque son école était à Vannes. Manquera Danielle que je retrouverai avec son mari, Jean (son "mec" comme il se plaît à se nommer lui-même), quand mon parcours passera par Manosque quelque 65 jours plus tard.
Sitôt le bar ouvert arrivent Marie-Jo et Guénahel, mon pote de toujours, le plus ancien probablement, car à 17ans, lorsque j'étais apprenti commis d'architecte au 7 rue Victor Basch, Guenahel était lui, apprenti photographe chez Decquer, rue du Mené ; on partageait un sandwich tous les midis au café de la mairie. Le plus drôle, c'est que Guenahel apprenait le métier que je rêvais d'exercer, tandis que celui que je tentais d'apprendre ne me plaisait pas vraiment ; je ne pense toujours pas que j'avais beaucoup d'aptitude pour devenir commis d'architecte. Le hasard et une idée saugrenue de mes parents qui eux pensaient que j'étais fait pour ce métier, apparurent le jour où l'on enterrait mon grand-père paternel, le 22 mai 1957 : un filleul de mon père, Michel Thomas, avait un cousin, Michel Guillanton, qui venait de s'installer comme architecte et cherchait un apprenti. Cela fit tilt chez ma mère qui ainsi, allait écrire la première page de ma vie professionnelle. Rendez-vous fut pris chez Michel Guillanton, qui habitait à l'époque au 10 rue Alphonse Guérin, juste à côté de mon domicile aujourd'hui. Parenthèse refermée.
Ensuite, arrive Patrick Le Yondre, copain récent rencontré chez Martial, ancien directeur du crédit immobilier qui a financé notre loft.




Présente aussi Jacqueline, ma sœur qui ne raterait mon départ pour rien au monde (et qui va beaucoup mieux depuis qu'on lui a enlevé les amygdales il y a 54 ans !), et qui est un peu responsable sans le savoir de mon destin de marcheur. Elle a partagé avec moi une marche de 7 jours de Vannes à Quintin, soit 175 km sur les Côtes-d'Armor que nous avons parcourus en 2006. Suite ou grâce à cette marche qui nous a beaucoup rapprochés j'ai pu renouer avec Jean-Yves son mari, avec qui j'étais brouillé depuis 30 ans. Bienfait de la marche donc, qui me réservera encore bien des surprises...
Les copains arrivent progressivement :
Jean-Pierre, à l'origine ami de Laurence (qui me reproche d'ailleurs de lui voler ses copains !) est devenu un compagnon de marche. Nous avons partagé de nombreuses randonnées en Bretagne, en Corse et sur Compostelle 2004.
Gael, encore un copain que j'ai piqué à Laurence, est aussi un compagnon de marche depuis 2006. Nous faisons ensemble tous les ans une semaine sur Compostelle, chemin français du Puy-en-Velay jusqu'à St-Jean-Pied-de-Port.
Sylvaine et son ami Francis, que j'ai connus grâce à la proximité des bureaux de Lézart Graphique avec le conseil général, et à qui j'ai fait partagé mon expérience de la marche, notamment il y a peu sur Vannes-Questembert, soit 27 km ou 7 heures un peu difficiles quand même. Francis, est un pêcheur invétéré de palourdes et de tout ce qui se trouve dans l'eau de mer ou l'eau douce. On a partagé récemment une marche-récolte de palourdes sur l'Ile d'Arz et Francis est vraiment un champion dans le domaine.
Martial et Lili, amis très proches, encore des copains de Laurence, avec qui j'ai également partagé plusieurs marches, mais séparément ; j'aime bien ça aussi marcher avec un seul compagnon, c'est toujours différent quand le couple participe.
Bernard Landrain, un copain de longue date, passionné de marche et fondateur du Raid Golfe, association qui se rassemble chaque année vers fin juin. Ce que fera Bernard tout au long de cette marche vers Rome, sera assez surprenant et très touchant pour moi.
Un autre Patrick, journaliste à Ouest-France, deviendra grâce à ses articles parus durant tout mon parcours, le déclencheur de ma "popularité" sur Vannes, et du même coup, un sacré support moral pour moi.
Et enfin arrive mon amoureuse, Laurence, celle qui partage ma vie et qui me supporte depuis 16 ans. Malgré l'heure précoce pour elle, elle sera là pour accompagner mes premiers pas et faire des photos évidemment.
Voilà ! Tout ce petit monde présent me toucha beaucoup. Mais malgré la bonne ambiance, il va falloir que je parte. Ça coince un peu, quelques nœuds dans les intestins... La photo "finish" de départ pour la presse et me voilà parti pour la ville éternelle !
9h30, mon pas est vif, ma démarche légère, le bonheur n'est pas dans le pré, mais bien dans les rues de Vannes pour l'instant. Je suis tellement plongé dans mes pensées que je ne vois rien des rues que je traverse. Je réfléchis davantage au plus court chemin, je descends la rue de la Loi puis la rue Thiers jusqu'au port. Je me rends compte que je marche très vite comme si j'avais un train à prendre. Je vais avoir tout le temps de ralentir pendant les 110 jours qui vont suivre.
Quand j'arrive à La Garenne, Laurence me double en voiture, elle va m'attendre sur la route du Verger pour un dernier au revoir et inscrire mon passage sur la pellicule virtuelle de son appareil photo.
Puis Jacqueline ma soeur, la rejoint ; on a tous la larme à l'œil et je ne sais pas encore que 500 m plus loin sur le parking de Netto, m'attend Jean-Pierre pour faire quelques km avec moi. Ces photos que je revois aujourd'hui me laissent perplexe ; j'ai l'air très concentré, mais aussi heureux, plus du tout angoissé, mais plutôt libéré de ce moment du départ. Les angoisses, c'étaient pendant la nuit passée et les jours précédents.
Je ne suis pas très inquiet pour mon physique, car j'ai la forme ; j'ai perdu une dizaine de kilos depuis un an, signe avant-coureur d'une préparation physique, et d'une volonté de changer mes habitudes alimentaires.
Pourtant, au bout de 3 ou 4 km, les chaussures neuves commencent à marquer mes doigts de pied et le soir même je constaterai mes premières ampoules. Incroyable bêtise pour un marcheur de mon expérience, mais bon, cela passera vite.
Jean-Pierre me quitte avant d'arriver au village du Saindo ; je sais qu'il était un peu contrarié, car il souhaitait faire les deux premiers jours avec moi, mais j'ai décliné son offre, car après-demain je dors chez Gael pour deux nuits, et j'avais envie d'être seul à marcher ces deux premiers jours.
On ne se comprend pas toujours sur ce terrain-là avec Jeanpie, (c'est comme cela que je l'appelle) et il a cru que je ne souhaitais même pas faire ces premiers km avec lui ; il était bien déçu... Plus tard lorsqu'il viendra me rejoindre, nous aurons d'autres fâcheries, mais c'est aussi cela l'amitié, on n’est pas obligé d'être tout le temps en harmonie.
Quoi qu'il en soit je vais me rendre compte au fur et à mesure que la solitude ne me pèse pas, je suis vraiment un marcheur solitaire.



Je traverse le pont de Noyalo ou j'observe un pêcheur à la ligne et je donne des mies de pain à des canards, très à l'affût de cette friandise.
Je prends ensuite le chemin des bois qui mène à Surzur ; celui-là, aussi je le connais bien, je l'ai même emprunté avec mon père, à partir de Noyalo ; il avait alors 90 ans et on a marché 2 heures, incroyable non ? Ce fut aussi l'occasion de parler avec lui, qui n'est généralement pas très enclin à la confidence sur son passé, mais là super ! j'ai appris beaucoup sur le couple que formait mes grands-parents.
Me voici devant la Croix du Martyrs. Une croyance ancienne à Surzur raconte l'histoire d'un chouan torturé et tué à cet endroit durant la Révolution française. Depuis, les jeunes enfants qui ne marchent pas de bonne heure à Surzur, sont présentés à cet endroit pour les aider dans leurs premiers pas.
Bon, après un premier pique-nique, j'appelle mon cousin Marcel Le Nevé,  maire de Surzur depuis bientôt 14 ans. Avec Marcel aussi j'ai des vieux souvenirs. En effet, alors jeune marié en 1966, il travaillait au trésor public de Questembert, et moi j'étais au collège de cette même ville. Il m'emmenait donc tous les matins avec sa 3cv de l'époque et on partait, lui pour son administration où il était jeune fonctionnaire, et moi pour mon collège où j'étais en classe de 4ème. 40 ans plus tard, Marcel a fait une très brillante carrière puisqu'il est devenu trésorier-payeur général à Vannes, avant de prendre sa retraite et d'assurer son rôle de maire à Surzur jusqu'à ce jour.
Il vit des moments personnels difficiles avec la maladie d'Alzheimer de sa femme. L'envie me prend de lui rendre visite. Il est surpris de ma démarche et surtout de mon projet.
Mais j'ai une autre visite à faire, et là je n'ai pas de rendez-vous, pas besoin, ils sont disponibles pour l'éternité... au cimetière. C'est là que reposent mes grands-parents maternels, Louise et Hyacinthe Dorso ; j'ai tellement de souvenirs avec eux que je leur devais bien cette visite, d'autant plus que mon chemin passe juste à côté. Mon grand-père d'abord. J'adore son prénom ; j'aurais aimé donner ce prénom à l'un de mes enfants, mais cela faisait bizarre à l'époque et pourtant, chez nos grands-parents, on donnait traditionnellement le prénom du père au garçon aîné de la famille. Ce grand-père que ma mère a souvent décrit comme ayant un sale caractère, grognon, autoritaire, je l'ai bien aimé. J'ai été souvent à la pêche avec lui et j'ai quand même vécu 14 ans avec mes grands-parents sous le même toit.
Quant à ma grand-mère Louise, la bonté même, toujours très occupée avec ses animaux, surtout les poules avec qui elle parlait beaucoup. Bien sûr, étant enfants, on se moquait parfois d'elle. Elle était très croyante et j'imagine l'effet que cela lui aurait fait si elle avait appris mon projet pour Rome. C'est pourquoi je lui dédis cette marche.
Ces chemins aux alentours de Surzur ne me sont pas indifférents puisque c'est toute mon enfance qui est là, autour de moi, sans compter ce cimetière où reposent bon nombre de voisins, amis, famille, que j'ai connus.

 



Le chemin qui continue à gauche pour rejoindre le GR 34 vers Ambon, me fait signe, m'appelle avec un "eh ! t'es pas au bout de ta journée". C'est vrai, assez de nostalgie et place aux vivants. Mon objectif d'aujourd'hui est de rejoindre le centre de prière à la pointe de Penlan-en-Billiers. C'est là où je vais passer ma première nuit. Je laisse derrière moi le bourg de Surzur avec son église dominante, pour rejoindre les marais d'Ambon par Trely, ces marais où j'allais pêcher le carrelet avec mon grand-père, ce qui était une grande joie pour moi, ainsi que de monter derrière sa motocyclette 125, avec les vitesses à main sur le côté. Cette moto me fascinait ; j'avais tellement envie de monter dessus pour la faire démarrer, mais évidemment je n'avais pas le droit d'y toucher. Pourtant un jour où mon grand-père n'était pas là, j'ai tenté de la démarrer sans succès hélas et heureusement, car j'aurais été au-devant de graves ennuis. Quand la moto eut rendu l'âme, mon grand-père s'est acheté une mobylette, et moi avec mon vélo, je le suivais. Je le vois encore partir avec ses cannes à pêche ficelées sur le cadre. Vers 16 ou 17 ans, c'est moi qui héritais de cette mobylette Motoconfort après que le solex 3800 dernier cri, que j'avais aussi utilisé, soit confié à ma petite sœur pour aller travailler à Sarzeau.



Ces marais d'Ambon sont magnifiques, parcourus par de petites rivières que la mer a creusées et qui subissent l'influence des marées, la vase sur les flans en témoignant. C'est aussi grâce à ces marées que le poisson naviguait et se faisait prendre au passage par les carrelets (un filet tendu par deux bois croisés, suspendus à un grand mât qui partait de la berge et que l'on manœuvrait en le hissant à l'aide d'une corde. C'était assez physique et les mulets que l'on prenait faisaient d'assez belles prises. Je me revois encore surveiller le filet qui sortait de l'eau ; c'était un moment très émouvant de voir ces quelques poissons, mulets ou anguilles, qui frétillaient encore avant d'aller finir leur vie dans la poêle de ma grand-mère Louise.





 


Ah ! j'aperçois au loin le moulin de Billion, dernier témoin d'un passé lointain ou le meunier produisait la farine, matière première des boulangers du coin dont Hyacinthe faisait partie. C'est ainsi qu'il connut ma grand-mère qui habitait à Ambon, en allant chercher sa farine. Il fallait à l'époque tenir quittance auprès du douanier, mon arrière grand-père, pour régler le droit de transport. Quelques gouttes de pluie me ramènent sur cette terre que mes chaussures neuves martèlent, le sol devenant glissant. Mais pas encore assez de pluie pour mettre la cape, alors je décide de sortir le parapluie dont je me suis équipé pour cette marche, très pratique et protecteur pour le sac.
L'arrivée à Ambon me donne envie de visiter l'église St Cyr du XIIIème siècle, un ensemble architectural harmonieux de l'époque. Pas de chance, elle est fermée !
Normalement le GR 34 prend la direction de Damgan par Ste Julite, pour rejoindre ensuite Muzillac ; cela fait encore beaucoup de kilomètres. De plus, la pluie commence vraiment à s'installer, alors je prends la route directe pour Muzillac. Le problème, c'est qu'il est déjà 16h30 et mon arrivée prévue à 17h au centre de prière est bien compromise. Je décide donc de prendre la route de 6 km entre Ambon et Muzillac. Voyant la pluie qui redouble et les banquettes vraiment pas larges, la marche à gauche s'impose. On dit que dans la vie il vaut mieux voir le danger arriver en face, la marche pour moi c'est la vie aussi.



Depuis que j'ai trouvé le plaisir de marcher après l'opération d'une hernie discale, je me rends compte que ce plaisir, je l'ai découvert il y a longtemps, quand j'avais 17 mois. J'étais alors un marcheur attardé, ayant d'abord eu le plaisir de parler. Ma mère a bien failli m'envoyer à la Croix des Martyrs ! (je n'avais pas vraiment la vocation d'un martyr). "Sacré Nono, il faut vraiment qu'il ne fasse jamais les choses comme les autres". Cette parole facile, je l'ai entendue toute ma vie au cours des différents métiers que j'ai exercés ; elle ne m'a jamais quittée et me poursuit encore aujourd'hui à travers mes différentes rencontres.

 




Je me suis mis à marcher rapidement pour arriver à Muzillac sous une pluie battante. Le parapluie fait bien son boulot mais la cape de pluie s'impose à présent. Arrêt à l'entrée de Muzillac, dans un bistrot pour un chocolat chaud qui réchauffe le cœur et le corps. Muzillac m'évoque aussi l'histoire de la famille du côté de mon père ; nous y fréquentions souvent des cousins, la famille Archambaud, dont Roger, cousin germain de mon père, tenait un garage.
J'arrive à 18h au centre de Prière, l'accueil a été surprenant. Le directeur n'étant plus là à cette heure, le gardien devait m'indiquer ma chambre. J'étais quand même fatigué par cette première journée ; le compteur indiquait 32 km, et bien mouillé en plus. Alors le gardien qui tarde à ouvrir, m'agace un peu, mais la suite s'avéra encore plus croustillante. Il finit par ouvrir avec une tête un peu enfarinée, visiblement je le dérangeais. À peine deux mots échangés. Le centre paraissant grand, avec la pluie en plus, voyant qu'il m'indique le bâtiment, et monte dans son véhicule et je me dis, tiens sympa, on y va en voiture. Mais surprise au moment où je tente d'ouvrir la porte arrière : il démarre en trombe, me laissant sur le carreau, éberlué. Je reprends mon sac et le rejoins à pied, très en colère, et en tant que digne petit fils de Hyacinthe Dorso, je la lui fais sentir, surtout qu'il a presque failli me renverser ! 
La suite est meilleure. Apparaît un magnifique bâtiment qu'on appelle le château (vrai, c'est un ancien château). J'ai une grande chambre et il semble que je sois seul dans cette immense bâtisse. Mon repas est prévu à la cafétéria dans un autre bâtiment ; le gardien, devenu un peu plus aimable, m'explique où je dois me rendre. La cafétéria est composée d'un self et d'une salle de restaurant ; un couvert a été dressé à mon intention, seul couvert dans cette grande salle. 
Justement seul, c'est ça qui ne va pas à cette heure de la journée. Si je recherche cette solitude en cours de marche, je suis touché de l'attention que l'on a pour moi à l'étape du soir, j'ai l'impression d'être un personnage important ! Et ce que je veux, c'est rencontrer du monde et parler, et interviewer des gens ! Surtout dans cet endroit qui a sûrement une histoire (je vous la raconterai plus loin).
Bref, je suis servi copieusement, et assez drôle, l'entrée est du taboulé ! Ils ne pouvaient pas savoir que j'en avais déjà avalé une pleine barquette à midi, achetée au Netto de la route de Nantes !
Je me suis littéralement empiffré ce soir-là et je remercie chaleureusement cet accueil hors norme avant de rejoindre ma chambre et de m'écrouler de fatigue. Ouf, quelle journée ! 





 

Portez-vous bien et surtout ne lâchez rien 
(cette phrase apparaîtra sur le blog seulement quelques semaines plus tard).



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